Avec l’Union Saint-Bruno, Bordeaux possède l’une des meilleures équipes françaises de water-polo féminin. Des joueuses, étudiantes pour la plupart, qui font partie de l’élite d’un sport resté confidentiel.

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Les filles de l’Union Saint-Bruno s’entraînent au moins deux heures par jour, du lundi au vendredi. Et les week-end, c’est le championnat. (Crédit : Florian Perrin)

Sandra Vergé-Dépré a 24 ans. Cheveux noirs, yeux bruns, joli sourire sur les lèvres. Depuis toute petite, elle fait de la natation. La journée, elle garde des enfants et suit une formation pour devenir auxiliaire de vie scolaire. Le soir, elle s’entraîne à la piscine Judaïque. Jusque-là, rien de plus normal. Sauf que Sandra fait aussi partie de l’équipe de France féminine de water-polo.

Depuis trente ans, Bordeaux possède avec l’Union Saint-Bruno l’une des meilleures équipes françaises de la discipline : 4 participations en Coupe d’Europe, 3 fois vice-championnes de France. Le club évolue aujourd’hui en Pro A, le plus haut niveau national, avec des formations comme Nancy, Lille ou encore Nice. Et régulièrement, l’Union Saint-Bruno envoie quelques unes de ses joueuses en équipe de France.

« Une carrière pro ? Quasiment impossible »

Mais que ce soit en club ou en sélection, ni primes de matches mirobolantes, ni hôtels luxueux, ni salaires extraordinaires : le water-polo n’est pas un sport qui rapporte. « Faire une carrière professionnelle dans le polo ? Quasiment impossible, affirme Sandra Vergé-Dépré. En tout cas pas en France ». Il vaut mieux s’exiler dans d’autres pays européens, ou la discipline est moins confidentielle : Espagne, Grèce, Hongrie, Italie… Le niveau n’est pas le même. Très peu de joueuses s’y risquent.

Dans l’hexagone, le water-polo féminin reste un sport non-professionnel. Mais il n’a d’amateur que le nom. Les féminines de l’Union Saint-Bruno s’entraînent tous les soirs de la semaine pendant deux heures à la piscine Judaïque. Le bassin de 50m, elles le partagent avec les garçons, qui évoluent eux en troisième division. Au programme des séances, du renforcement musculaire, quelques longueurs, et beaucoup de travail tactique.

Le week-end, on laisse la place à la coupe ou aux matches de championnat. Un à domicile, un à l’extérieur, en alternance. Pour le moment, les filles de l’USB occupent la troisième place d’un championnat à six clubs. Le 16 novembre, elles sont allées chercher une victoire du côté de Saint-Jean-d’Angély, en Charente-Maritime. Samedi dernier, elles l’ont emporté 16-11 face à Nancy à la piscine Judaïque. Et dans quinze jours, elles prendront le bus en direction du Nord, pour affronter le Lille UC Natation.

Les filles de l'Union Saint-Bruno à l'entrainement

Joséphine Perrin et ses coéquipières ont remporté trois de leur quatre premiers matches de championnat. (Crédit photo : Florian Perrin)

« Le jour où on gagnera de l’argent… « 

Et le salaire dans tout ça ? « Le jour où on gagnera de l’argent dans le polo, il faudra me prévenir » sourit Joséphine Perrin, 17 ans, l’une des espoirs de l’Union Saint-Bruno. « Dans les clubs les plus riches, genre Lille, les filles touchent des indemnités pour les entraînements et les matches, ajoute Sandra Vergé-Depré, sa coéquipière. Mais en général, elles ont aussi du travail à côté ».

A Bordeaux, la plupart des joueuses ne gagnent rien. Seules les étrangères du groupe, comme la Hongroise Petra Toth, 23 ans, ou la Néozélandaise Nicole Lewis, 24 ans, sont indemnisées. « Elles gagnent à peu près 500 euros par mois,explique Jean-Luc Doucereux, le coach de l’USB et ancien sélectionneur de l’équipe de France. Ça leur paye les études. » Stéfania Moullaki, 18 ans, arrivée de Grèce cet été pour étudier la comptabilité, reçoit elle aussi environ 200 euros tous les mois. Les autres joueuses ont la possibilité d’entraîner les jeunes du club pour toucher un peu d’argent.

A l’Union Saint-Bruno, la moyenne d’âge du groupe est faible, à peine plus de 22 ans. La plupart des filles font encore des études. Et pour elles, c’est très clair : ça passe avant le polo. Le coach en est conscient. « Je sais bien que c’est compliqué pour elles, je ne peux pas tout leur demander, avoue Jean-Luc Doucereux. Elles ne vont pas gagner leur vie grâce au water-polo, on n’est pas dans une équipe pro. Alors quand certaines ont besoin de temps pour leurs études ou leur travail, on essaie de s’adapter ». Cette année par exemple, Joséphine Perrin, qui prépare son bac, ne s’entraîne que trois fois par semaine.

Boulot, polo, dodo

Pour toutes ces filles, le water-polo est donc plus une passion qu’un métier. Mais une passion très prenante. Ce mercredi soir, l’entraînement s’est terminé vers 22h. Certaines joueuses, comme Sandra et Joséphine, s’attardent devant la piscine. « Ça nous arrive souvent de rester là un bon moment et de papoter » avoue la première. Aujourd’hui, ça discute fédération, coaches, et souvenirs pendant trois quarts d’heure. Le polo, une deuxième famille ? « Non, pas vraiment, réfute Sandra. Si une fille dans l’équipe a besoin de quelque chose, bien sûr, les autres seront là pour l’aider. Mais après, il y aussi des affinités, des liens plus ou moins forts entre certaines joueuses. Comme dans n’importe quel groupe de filles, en fait. »

Et la première famille, la vraie, dans tout ça ? On en profite, entre les entraînements quotidiens et les matches le week-end ? « C’est parfois compliqué. C’est un choix, après chacun gère la situation à sa manière » avoue Joséphine. La discussion se prolonge dans la nuit. Pendant ce temps, le portable de l’adolescente sonne dans sa poche, trois fois en quelques minutes. C’est sa mère qui s’inquiète de ne pas la voir arriver. La jeune fille fait la moue, elle se résout finalement à tourner les talons. « Il va falloir que j’y aille, je suis désolée… « 

Il est 22h45, Joséphine rentre chez elle. C’est comme ça presque tous les soirs. Le lendemain, elle sera debout à 6 heures. Elle passe son bac de sport.

Florian Perrin

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